Saisie de la CEDH par Bretagne Réunie : au cœur du recours, le refus d’un débat sur une consultation locale malgré la pétition des 105 000 électeurs de Loire-Atlantique. Cinquante ans de mobilisations, la réforme des régions sans consultation, et désormais un agenda européen — de la CEDH à Strasbourg à la FUEN à Bolzano — structurent un dossier où s’entrecroisent droit de pétition, démocratie locale et cohérence culturelle et économique d’une...

Strasbourg, le 17 octobre 2025. L’association Bretagne Réunie annonce avoir déposé un recours devant la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) après le refus des juridictions françaises — jusqu’au Conseil d’État — de donner suite à la « pétition des 105 000 » électeurs de Loire-Atlantique. Les requérants estiment que le refus du Conseil départemental d’organiser un débat sur une consultation locale constitue une violation de la Convention européenne, notamment du droit de pétition. « Cette procédure est une nouvelle bataille pour la Réunification de la Bretagne », écrivent les coprésidents Philippe Clément, Alan-Erwan Coraud et Alain-Francis Peigné.

Ce que dit la saisine

La pétition déposée en 2018, signée par 105 000 électeurs (près de 10 % du corps électoral de Loire-Atlantique), demandait au Conseil départemental l’inscription à l’ordre du jour d’un débat sur l’organisation, par l’assemblée départementale, d’une consultation sur la réunification. Le refus d’y donner suite est présenté par Bretagne Réunie comme une atteinte au droit de pétition et, au-delà, comme un déni de démocratie.Après les rejets successifs des juridictions administratives, dont la décision du Conseil d’État du 30 avril 2025, l’association et deux co-requérants saisissent la CEDH.

Repères (1970–2025)

  • Années 1970–2000 — Structuration d’un mouvement durable pour une Bretagne à cinq départements (Loire-Atlantique incluse). Mobilisations régulières, prises de position d’élus et votes symboliques en Bretagne.

  • Années 2000–2010 — Manifestations à Nantes et en Bretagne ; la question du droit à consultation locale s’installe dans le débat public.

  • 2014–2015 : réforme territoriale — La carte des régions sous la présidence Hollande n’intègre pas la Loire-Atlantique à la région Bretagne. Les critiques portent sur l’absence de consultation directe des habitants et sur un processus jugé vertical.

  • 2016–2018 : la pétition des 105 000 — Bretagne Réunie rassemble 105 000 signatures en Loire-Atlantique pour solliciter un débat au Conseil départemental sur l’organisation d’une consultation.

  • 2019–2024 : contentieux — Recours administratifs successifs ; la justice estime qu’un département n’a pas compétence pour décider d’une modification des limites régionales, refermant la voie interne.

  • 30 avril 2025 — Le Conseil d’État confirme la position : pas de consultation décidée par le département sur ce sujet de périmètre régional.

  • 17 octobre 2025Saisine de la CEDH par Bretagne Réunie et deux co-requérants, au titre du droit de pétition et du respect de la participation citoyenne.

Déni de démocratie : les arguments

Pour Bretagne Réunie, écarter sans débat une demande portée par 105 000 électeurs revient à minorer une expression démocratique locale majeure. La saisine demande à la CEDH de constater la violation du droit de pétition et d’ordonner à l’État d’assurer un cadre effectif de prise en compte des initiatives citoyennes de cette ampleur.Les juridictions françaises, elles, ont jugé que la question des frontières régionales excède la compétence d’un département, ce que les requérants contestent désormais sur le terrain des droits fondamentaux.

Europe : Kenleur et Produit en Bretagne font entendre la  Bretagne puissance 5 

Strasbourg, 9 octobre 2025. À l’invitation de Loránt Vincze, président de l’Intergroupe « Minorités traditionnelles, communautés nationales et langues » du Parlement européen, et à l’initiative de Bretagne Réunie, la Confédération Kenleur et le réseau Produit en Bretagne ont présenté aux eurodéputés la vitalité d’une Bretagne vécue au quotidien à 5 départements. La délégation a été saluée, notamment par l’eurodéputée bretonne Isabelle Le Callennec, pour la cohérence culturelle et économique du modèle breton mis en avant.

  • Kenleur (Erell Lahuec) a ouvert la séquence par une plongée dans la Bretagne culturelle : danse, musique, langue, grands rassemblements populaires — « une Bretagne en mouvement, joyeuse et fédératrice » — citant Per Jakez Hélias : « Sans hier et sans demain, aujourd’hui ne vaut rien. »

  • Produit en Bretagne (Anne-Claire Pons, Jean Coisnon) a témoigné d’une Bretagne économique entreprenante et solidaire : depuis 1993, 520 entreprises et 110 000 salariés fédérés autour d’une marque collective reconnue dans les 5 départements et au-delà. « La Bretagne puissance 5, c’est cinq forces qui se nourrissent : culture, économie, innovation, collectif, démocratie », souligne Jean Coisnon.

  • Les parlementaires ont mis en avant quatre traits du modèle : culture vivante, économie locale performante, identité assumée, ouverture européenne ; et le rôle essentiel de la Loire-Atlantique au cœur de cette dynamique « déjà vécue » par les acteurs.

  • Pour Bretagne Réunie, cette audition illustre la capacité de la Bretagne à faire entendre en Europe « une voix singulière conjuguant identité, créativité et coopération ». La délégation remercie Loránt Vincze pour l’invitation et évoque des contacts et collaborations à venir.

  • Une parole de poésie civique pour conclure : « Celui qui n’a pas de terre n’a pas de racines », rappelait Anjela Duval — des racines cultivées ensemble, de Nantes à Brest, pour en faire un levier d’avenir, d’emploi et d’innovation.

Aussi à l’agenda européen : une motion à la FUEN le 24–25 octobre à Bolzano

Dans la continuité de ces démarches, l’Institut Culturel de Bretagne – Skol Uhel ar Vro et Bretagne Réunie présenteront, lors de l’Assemblée générale des délégués de la FUEN (Federal Union of European Nationalities — union des minorités nationales européennes), les 24–25 octobre à Bolzano (Italie), une motion sur le même thème de la réunification et de la participation citoyenne. L’objectif : porter la question bretonne dans un cadre européen dédié aux droits et à la reconnaissance des minorités nationales, et solliciter des soutiens auprès des réseaux partenaires.

Ce que (ne) ferait (pas) la CEDH

La CEDH ne redessine pas la carte des régions ; elle constate d’éventuelles violations et peut enjoindre l’État à y remédier. Un arrêt favorable n’imposerait pas la réunification mais pourrait contraindre à mieux garantir le droit de pétition, la motivation des refus et, potentiellement, l’examen public d’une consultation.

À retenir

Avec Strasbourg, Bretagne Réunie et ses partenaires replacent au centre la voix de 105 000 électeurs et l’affirmation, en Europe, d’une Bretagne “puissance 5” vivante et crédible. L’enjeu n’est pas d’« imposer » une carte, mais de faire reconnaître qu’une expression citoyenne massive et un projet culturel-économique cohérent doivent être entendus et instruits. La CEDH dira si, en l’espèce, le droit de pétition et la participation des citoyens ont été suffisamment garantis.

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