Michel Treguer, le brillant écrivain breton auteur de « Espèce d'homme » qui vient de publier "Avec le temps. Chronique d'un village breton sous l'occupation allemande" chez Dialogues a été entendu hier par le tribunal de Brest
Michel Treguer, le brillant écrivain breton auteur de « Espèce d'homme » (paru aux éditions du Temps) et qui vient de publier "Avec le temps. Chronique d'un village breton sous l'occupation allemande" chez Dialogues ABP17677, a été entendu hier par le tribunal de Brest.
Dans son dernier livre, Michel Treguer, qui, par souci d'authenticité et de vérité, a choisi de citer les personnes de l'époque sous leur vrai nom, parle de la liaison d'un soldat allemand et d'une habitante de Bourg-Blanc. Le fils de ce soldat a porté plainte pour atteinte à la vie privée. Le tribunal se prononcera dans trois semaines.
Philippe Argouarch
Commentaires (5)
Si la(les) personne(s) en question souhaite(nt) rester tranquille, pourquoi les mettre ainsi en exergue ?
En ces temps de commémoration du 70ième anniversaire de l'appel du 18 juin, les témoins se faisant de plus en plus rares, le rôle des historiens dans la transmission de notre mémoire collective est essentiel. Encore faut-il respecter certaines règles élémentaires de déontologie. En effet, le fait d'obtenir une dérogation de consultation de dossiers d'instruction judiciaire des procès de l'épuration n'autorise pas d'ignorer les règles de communicabilité des archives publiques. Tous les chercheurs historiens savent que la publication de faits relevant de la vie privée des personnes mises en cause dans ces dossiers est interdite. S'agissant de la famille de l'auteur, mais surtout de ce fils d'un soldat allemand, celui-ci a-t-il réellement pris la mesure du préjudice (pour les proches) qu'il y a de livrer ainsi sur la place publique des noms et des « vérités » qui relèvent de la sphère privée ?
Quant à la question de la transmission de la mémoire vers les générations futures, certains des propos de l'auteur sont pour le moins ambigus à l'égard de la Résistance. Ainsi, par exemple, page 104 à propos des violences de la Libération : « Le 6 août, une bande d'imprudents croit pouvoir attaquer à Lannilis un manoir occupé par les Allemands. Une rafale de mitrailleuse les accueille 15 morts. » En fait, le bilan de cette attaque du manoir de Keraflor sera de 9 morts. Les familles de ces résistants apprécieront sans aucun doute de les voir ainsi qualifiés d'inconscients ! Mais le plus consternant concerne le massacre de Penguerec à Gouesnou : « Même horreur à Gouesnou où un coup de feu prématuré est parti du clocher : quarante-deux innocents dont vingt-sept femmes et enfants sont saisis d'un car sortant de Brest et sont abattus sur le champ. » Habitant depuis presque 20 ans à Gouesnou, je suis un amateur de l'histoire de cette période. Cofondateur d'un forum traitant de cette période www.39-45 [at] org , j'interviens dans le journal Histomag n°44 et je suis vice-président d'une association de mémoire. Les quelques lignes sur le massacre de Gouesnou sont totalement surréalistes et ne répondent en rien à la réalité historique. Ce car n'a jamais existé et vous ne trouverez pas les noms de 27 femmes et enfants fusillés sur le mémorial dédié à ces martyrs. Certes, 65 ans ont passé depuis la Libération, l'heure est heureusement à la réconciliation et à la construction de l'Europe. Pour autant, certaines plaies ne sont pas totalement refermées, et vouloir faire œuvre « d'ethnologie » n'autorise pas Michel Treguer à les raviver avec autant d'approximations.
On est toujours mieux entendu si on n’est pas agressif. M. Massé écrit que j’ai traité d’« inconscients » les malheureux jeunes gens tués à Lannilis alors que j’ai seulement regretté qu’ils aient été « imprudents ». Ce n’est pas la même chose.
Revenons à Gouesnou. Je ne sais pas d’où me sont venus ces « 27 femmes et enfants » erronés, d’autant que j’étais allé me recueillir sur le monument commémoratif et sur celui de Plouvien. C’est un « bug » que je corrigerai si le livre connaît un jour une nouvelle édition. L’important reste que les combats et les atrocités se sont répandus à l’époque.
En revanche, je me demande si M. Massé peut affirmer aussi catégoriquement que « ce car n’a jamais existé ». Tous les cars reliant Brest à la côte nord du Finistère passaient et passent encore par Gouesnou. Plusieurs dizaines chaque jour. Et mes deux grands-mères tenaient des boutiques où ils s’arrêtaient quelques minutes plus tard, l’une à Bourg-Blanc, l’autre à Plabennec. Elles parlaient dix fois par jour avec leurs chauffeurs. Et je les ai toujours entendues dire que des voyageurs avaient été saisis dans un car et massacrés par les nazis en fureur.
Je n’ai pas d’autre preuve que ce double témoignage familial, de surcroît obscurci par l’éloignement dans le temps. Je ne pose pas à l’historien. Le sujet de mon livre, c’est ma propre vie ; le récit de mon éducation, de ses bonheurs et de ses manques. Mais le récit du massacre de Penguerec sur Wikipedia paraît plutôt confirmer mon souvenir. On y lit que « les Allemands décident alors de capturer toutes les personnes qu'ils découvrent dans le bourg ainsi que les voyageurs de passage. [...] Neuf cadavres resteront non identifiés, il s'agit probablement de personnes en déplacement pour ou depuis Brest. »
Au demeurant, comme pourrait-on expliquer que ces neuf malheureux soient restés inconnus, s’ils avaient été des piétons gouesnousiens ?
Bon courage à M. Massé dans ses recherches.