
Alors que le champion mondial du libre-échange, les USA, érige partout des droits de douane de 15 à 30 % pour se protéger des délocalisations et de l’effondrement, l’Europe persiste à croire au dogme libéral. MERCOSUR est un anachronisme : il condamne l’UE à l’effacement géopolitique et la Bretagne à la fin des exportations agricoles et même de son agrobusiness. Dans vingt ans, il ne restera ici que les circuits courts — et le bio.
Les marchés se referment mais Bruxelles ouvre grandes les portes
Le protectionnisme fait son retour. Les USA rétablissent les douanes et les tarifs douaniers. Tu me fais ça, je te fais ça. La préférence nationale l'emporte sur le libre-échange. L’Europe, quant à elle, déploie « aujourd’hui » un accord envisagé il y a 25 ans dans un autre contexte — cet anachronisme est au cœur du problème. Le MERCOSUR, ce nouveau marché commun entre l'Europe et l'Amérique du Sud, n’est pas une vision, mais une nostalgie. Sur le terrain, après la désindustrialisation due aux délocalisations, nous risquons une désagrarisation, particulièrement en Bretagne. Nos petites exploitations ne font pas le poids face aux latifundia en Argentine et le Brésil est le premier producteur de viande bovine au monde.
Environ 60 % des terres en Bretagne sont agricoles, dont 62 % en Loire-Atlantique. Des ateliers porcins aux poulaillers, en passant par les laiteries et les abattoirs, c’est tout un tissu d’emplois qui constitue la première économie bretonne qui risque de s'effondrer. C’est précisément la Bretagne que l’accord expose. D'autres territoires comme les régions viticoles pourront sans doute gagner en exportations. En Bretagne, l'élevage et les filières animales seront particulièrement impactés, ce sont celles où nous exportions encore un savoir-faire.
Face à la concurrence européenne l'agriculture bretonne et la pêche sont déjà en crise depuis des décennies. La fin des importations de la fédération de Russie et à l'inverse, l'arrivée de produits ukrainiens, n'ont fait qu'agraver les choses . La Chambre d’agriculture de la région administrative constate une baisse de 6 % de la production porcine depuis 2021, 15 % pour la volaille de chair depuis 2020, et 4 % depuis 2023 pour les élevages de ponte.
MERCOSUR ou l'estocade finale
Avec le MERCOSUR le bœuf sud-américain arrive avec un contingent d’environ 99 000 tonnes à droits réduits. On peut ergoter sur les pourcentages européens, mais pour l’éleveur, les cours vont baisser. Plus dur encore, pour la volaille, c'est plus de 180 000 tonnes à zéro tarif qui sont attendues (source PDF en bas), alors que l’UE importe déjà beaucoup, notamment du Brésil.
Côté porc, le quota annoncé est plus modeste, autour de 25 000 tonnes, mais la filière sort de plusieurs années de coûts d'aliments élevés et d’obligations environnementales lourdes, mais les cours sont stables pour le moment. Pour le maïs, l’augmentation des entrées sud-américaines sur un marché instable risque d'être catastrophique pour la production locale.
Le Brésil n'est-il pas en train de brûler la forêt amazonienne ?
On le sait, mais on l'oublie quand cela arrange : les normes ne sont pas les mêmes. Ici, nous avons des passeports bovins, la traçabilité et des contrôles ; là-bas, la protection de l'environnement est moins exigeante, des hormones sont autorisées pour accélerer la croissance du bétail. Des pesticides interdits en Europe y sont autorisés. L'environnement n'est pas une priorité. Le Brésil n'est-il pas en train de brûler la forêt amazonienne ? Les clauses miroir se veulent rassurantes dans les discours. Quant aux clauses de sauvegarde, elles existent… mais arrivent souvent trop tard.
La colère monte
On nous parle de « compensations » pour l’industrie : des exportations de machines-outils, voitures, marchés publics là-bas. Certes, la Bretagne produit des machines agricoles, mais n'a pas de grands groupes compétitifs. À Rennes-La Janais, Stellantis produit le nouveau Citroën C5 Aircross, y compris en version électrique, mais l’essentiel des volumes vise d’abord le marché européen. L’idée d’un Eldorado sud-américain relève plus du vœu pieux que d’une réalité. Oui, l’industrie automobile allemande peut y trouver son compte. Sauf si les Argentins et les Brésiliens préfèrent les voitures électriques du chinois BYD. D'ailleurs l'arrivée de voitures chinoises BYD en Europe risque de menacer sérieusement l'industrie automobile allemande et bien sûr francaise.
Le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, écrit sur X : « Nous ne laisserons pas brader notre modèle, nos emplois ni notre souveraineté. Nous serons combatifs, avec le soutien des Français, pour refuser un accord qui sacrifierait notre agriculture sur l’autel d’une mondialisation sans règles. ». Les agriculteurs bretons n'ont pas dit leur derniers mots. Les bonnets rouges sont toujours sur le manteau de la cheminée.
Le retour de la grande forêt armoricaine ?
La Bretagne a déjà perdu la moitié de ses fermes depuis 2000 (compensé en partie par de plus grandes exploitations). Si le Brésil détruit sa forêt amazonienne, nous en Bretagne risquons de replanter la forêt armoricaine de l'antiquité : une vaste forêt de Paimpont surtouristée parcourue de sentiers de randonnée. L'agence régionale Breizh-Finance Bois et le Centre National de la Propriété Forestière (CNPF) financent déjà les projets de reboisements. Bien sûr, il nous reste notre sous-sol très riche avec des tas de minerais, et ça, ce n'est pas délocalisable. Le problème ? La majorité des Bretons sont contre l'ouverture ou la réouverture des mines.
Le tourisme, en passe de devenir la première industrie bretonne. Nos enfants qui resteront ici ne seront pas davantage cuisiniers ou serveurs. Les robots prendront vite ces postes. Les circuits courts et le bio survivront parce que c’est ce que veulent manger les visiteurs, mais les visites guidées deviendront un casque multilingue. Alors, sonnez les binious et les bombardes. Les festivals et le folklore, eux, ne sont pas délocalisables.
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EU-MERCOSUR Partnership Agreement
Commentaires (9)
Dans mon commentaire précédent (la demande de viande bovine a chutée)
C'est l'offre qui a surtout chutée, elle est devenue inférieure à la demande.
Concernant ce sujet particulier je ne suis pas aujourd'hui en mesure d'en analyser totalement les conséquences ayant lu ailleurs avec intérêt des avis très divergents. Cet article ne me permet pas de mieux cerner les choses et c'est dommage.
D'autant qu'il tombe vite dans la caricature en associant une vision écologiste devenue chaque jour plus nécessaire au tourisme ou qu'il tente d'argumenter en citant des syndicalistes à la vision extrêmement courte en matière d'agriculture, une agriculture du siècle dernier, destructrice des sols, de la biodiversité et de la santé humaine. L'avenir de la Bretagne appartiendra à ceux qui oseront changer radicalement leur manière de produire dont les bienfaits seront aussi pour nos visiteurs mais avant tout pour tous ceux qui y vivent.
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Ecrire cela, c’est laisser penser qu’une «forêt» n’est qu’un ensemble d’arbres qui poussent côte-à-côte, et que l’on pourrait donc replanter et regénérer facilement. En l’espace d’une ou deux générations, par exemple.
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Ce n’est pas ainsi que le monde sylvestre fonctionne. Une forêt est un monde organique, d’une richesse végétale et biologique extraordinaire. Une forêt, c’est aussi un temple du temps.
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C’est beaucoup plus qu’une simple collection d’arbres. En Europe, il ne subsiste quasiment plus de « forêt primaire » (avec quelques exceptions en Pologne). En Afrique équatoriale, la forêt originelle, qui donnait des bois de haute-qualité (encore disponible sur le marché dans les années soixante : « Sipo » pour la menuiserie intérieure, « Okoumé » pour le contreplaqué, et combien d’autres oubliés ou ignorés du grand-public) a été surexploitée. Ces essences ne sont plus disponibles aujourd’hui, et s’il était si facile de reconstituer une forêt, cela se verrait déjà...
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Il y a déjà pas mal de décennies, l’ONF a laissé quelques parcelles - en forêt de Fontainebleau (25.000 hectares) - volontairement abandonnées au cycle naturel (bois mort laissé sur place, aucune intervention humaine). Avec pour objectif d’observer scientifiquement le comportement de la nature laissée à elle-même. Sur le temps long (des décennies, ou des siècles).
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Donc, pour en revenir à la Bretagne, on ne referra pas la forêt armoricaine primitive, celle de « Brocéliande » (« Brekilien »). Cela n’empêche pas d’avoir une « politique forestière » contemporaine... C’est une nécessité, mais c’est autre chose...
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« Pelec’h emaoc’h-c’hwi Brokilien ? »... (kanaouenn eus pladenn gentañ Alan Stivell)
Il faut compenser nos émissions de carbone par des arbres divers et locaux plantés en grand nombres
Il faut restaurer l'environnement d'avant les destructions de la nature, imposées par l'Etat central jacobin (1950-70), les marchants de tracteurs (USA) et la complicité de la FNSEA.
Lisez la BD : "Champs de batailles" sur le remembrement en Bretagne et la destruction de centaines de km de haies.
Ce qui a entrainé la destruction du mode de vie paysan et une agriculture "douce" qui n'abimait pas l'environnement puis l'exode rural.