
Il s’agit là d’une construction inédite dans le droit français : les Calédoniens détiendraient une double nationalité, calédonienne et française, dans un cadre institutionnel conférant à la Calédonie une grande autonomie.
Paris, le 12 juillet 2025 – Un accord inédit a été trouvé ce jour entre les représentants indépendantistes et loyalistes de Nouvelle-Calédonie, réunis à Paris depuis dix jours sous l’égide du gouvernement français. Ce compromis historique reconnaît une "nationalité calédonienne" et un État de Calédonie, tout en laissant à la République française le contrôle des fonctions dites "régaliennes" : défense, diplomatie, justice, monnaie.
Il s’agit là d’une construction inédite dans le droit français : les Calédoniens détiendraient une double nationalité, calédonienne et française, dans un cadre institutionnel conférant à la Calédonie une grande autonomie.
Une avancée majeure, mais une ambiguïté persistante
Ce choix sémantique et politique soulève une question de fond rarement abordée dans le débat public : la confusion entre "nationalité" et "citoyenneté" en droit français. Contrairement à d’autres pays comme les États-Unis, le Canada ou la Suisse ou même l'Europe, où la citoyenneté désigne le lien politique à une entité fédérée, à une structure politique donc, la langue française et le droit français utilisent presque exclusivement le terme de nationalité, entretenant ainsi un flou juridique et symbolique.
Pour Yann Fouéré (1910–2011), auteur de l'Europe aux cent drapeaux, il faudrait revenir à la base. Selon lui, la nationalité est une adhésion à une nation, tandis que la citoyenneté est une adhésion à un État. Il va de soi qu’il existe des nations sans État, et des États qui comprennent plusieurs nations.
On peut dès lors se demander s’il n’aurait pas été plus simple, et juridiquement plus clair, de créer une nationalité calédonienne à côté d’une citoyenneté française. Les Accords de Nouméa (1998) étaient partis du mauvais pied en introduisant une "citoyenneté néo-calédonienne", niant par là même l’existence d’une nation kanak.
Vers une construction postcoloniale ?
La création d’une nationalité calédonienne constitue une reconnaissance d’un peuple calédonien distinct. Potentiellement la Nouvelle Calédonie pourra devenir pleinement indépendantevers à terme — mais pas nécessairement. Ce n’est pas le choix retenu dans l’immédiat.
Cet accord (pas encore ratifié) fait que la Nouvelle-Calédonie ne peut plus être considérée comme une simple "collectivité d’outre-mer", mais bien comme une entité politique à part entière, dotée de sa propre identité, culture, histoire et volonté politique. Cet accord est de fait, une reconnaissance politique de la nation kanak.
Cette évolution pourrait inspirer d’autres territoires, notamment la Bretagne, la Corse ou le Pays Basque, car la question d’un statut politique spécifique y reste posée.
Commentaires (5)
Si la Justice n'est pas propre à la Nouvelle-Calédonie, je vois mal comment l'on peut même parler "d'autonomie".
Tout le reste ne sont que des mots, creux car on ne sait pas ce qu'ils couvrent en fait. Surtout c'est le système constitutionnel et judiciaire français derrière qui décide ce que l'on fera de ces mots.
Du mal à comprendre de plus en plus la ligne idéologique d'ABP. BFM ou CNews pourraient faire les mêmes titres...si l'on en est à défendre une sorte de régionalisation accélérée à la française pour cette colonie du bout du monde, qu'espérer donc pour la Bretagne ??
Mais quels droits mettriez-vous derrière cette "nationalité calédonienne" distincte de la citoyenneté ? Juste une affirmation identitaire sans conséquences derrière sur le plan juridique ?
Tout l'enjeu est là. Normalement l'intérêt du dispositif là est de graver dans le marbre le maintien du système électoral actuel, c'est à dire ne pas élargir le corps électoral aux nouveaux colons exclusivement français en fait qui bénéficient du droit de mouvements à l'intérieur de l'espace ultra-marin français.
Par ailleurs, le texte prévoit-il un droit à l'autodétermination inaliénable ??
La Nouvelle-Calédonie bénéficiait déjà jusque là d'un statut d'Etat à l'intérieur de l'espace français, un statut très particulier.