Le comité consultatif de Bretagne créé en 1943 par Vichy. Parmi les présents abbé Jean-Marie Perrot, Yann Fouéré, Joseph Martray. (photo Fondation Yann Fouéré)
Le comité consultatif de Bretagne créé en 1943 par Vichy. Parmi les présents abbé Jean-Marie Perrot, Yann Fouéré, Joseph Martray. (photo Fondation Yann Fouéré)
Le Trikell et la Croix gammée

Réalisation : TV Breizh – 75618 vues

La chaîne YouTube " Notre Histoire " a mis en ligne un documentaire de TV Breizh diffusé en 2004, intitulé à l'origine Triskell et croix gammée et rebaptisé " Bretagne 1940 : Quand l'indépendance bretonne flirtait avec le nazisme ". En vingt-quatre heures, il a déjà dépassé les 16 000 vues, preuve de l'intérêt intact pour cette page complexe de l'histoire de Bretagne.Publié hier sur Youtube sur la chaîne

La chaîne YouTube « Notre Histoire » a mis en ligne un documentaire de TV Breizh diffusé en 2004, intitulé à l’origine Triskell et croix gammée et rebaptisé « Bretagne 1940 : Quand l’indépendance bretonne flirtait avec le nazisme ». En vingt-quatre heures, il a déjà dépassé les 16 000 vues, preuve de l’intérêt intact pour cette page complexe de l’histoire de Bretagne.

Un film riche en témoignages

Réalisé par un certain Gabriel Martin (dont on sait peu de choses), et produit par les très actifs Gérard Pont et Gérard Lacroix, le documentaire impressionne par la diversité des intervenants et les documents mobilisés : titres de presse, archives filmées, témoignages de survivants de l’époque et analyses d’historiens.
On y entend des témoignages directs, comme celui de Yann Fouéré, figure controversée du nationalisme breton, alors agé de 97 ans, qui déclare à la question « Étiez-vous vichyste ? » :

« Tout le monde l’était. »

Le film recueille aussi les paroles de proches de militants de l’époque : Yves Le Drezen, fils de l’écrivain bretonnant Youenn Drezen, ou encore Lena Louarn, fille du membre du PNB Alan Louarn.

Un équilibre entre rigueur et contextualisation

Si les recherches historiques sur la période ont progressé depuis le début des années 2000, le film reste solide et documenté. Les analyses d’historiens et de chercheurs tels que Jean-Jacques Monnier, Kristian Hamon, Yvon Tranvouez, Michel Denis, Hervé ar Beg, le journaliste Georges Cadiou, ou encore Erwan Tranvouez, ancien secrétaire de Roparz Hemon, apportent un contrepoint nécessaire aux souvenirs parfois subjectifs des acteurs ou témoins.

Le documentaire prend soin, dès son introduction, de rappeler que la collaboration de certains milieux nationalistes bretons doit être replacée dans un contexte bien plus large dans lequel le cas de la Bretagne est minime : les Flamands de Belgique fournirent une brigade SS de plus de 2 000 hommes, les Croates plusieurs divisions engagées jusque sur le front de Stalingrad, tandis que la division Charlemagne compta plus de 7 000 volontaires français. Comparée à ces réalités, la Bretagne n’a pas à rougir de son histoire car elle a fourni près de 30 000 combattants à la Résistance, dont l’action a notamment contribué à bloquer le redéploiement de l’armée allemande en Normandie lors du débarquement de juin 1944. Sans même parler de tous ceux qui ont rallié le Général de Gaulle dès juin 40 à bord de leur bateau de pêche. Certains même ont rejoint l'armée brittanique formant une grande partie du fameux commando Kieffer qui débarqua en Normandie.

Un PNB divisé

Le film montre bien les luttes internes du PNB : d'un côté on a un Olier Mordrel qui adhère à l’idéologie nazie, de l'autre ceux qui voient la collaboration comme une opportunité pour avancer vers une Bretagne indépendante dans une Europe redessinée par l’Allemagne.  Il y aussi ceux qui voient dans l'occupation une opportunité de faire progresser la cause bretonne, à l’image de Roparz Hemon. Oui, il y eut l’ouverture d’une première radio en breton à Rennes, et l’enseignement de l’Histoire de Bretagne fut autorisé dans les lycées par le régime de Vichy. Il ne l'est toujours pas aujourd'hui.

Les militants de la Bezenn Perrot, qui revêtirent l’uniforme allemand et servirent d’auxiliaires à la Gestapo, ne furent qu’une cinquantaine. Le film a aussi le mérite, grâce notamment aux recherches de Jean-Jacques Monnier, de rappeler qu’une partie du PNB s’est ralliée à la Résistance et a pris part aux combats pour la libération de la poche de Saint-Nazaire.

La voix des résistants

Le documentaire se conclut par le témoignage de Désiré Camus, ancien résistant et auteur de On nous appelait terroristes. Son regard, empreint de recul et d’amertume, résume bien l’enjeu historique :

« Ils (Les Breiz Atao) ont manqué une occasion formidable : s’ils étaient venus nous voir, la prise de conscience de notre identité aurait été accélérée. Au contraire, leurs choix ont fait reculer cette prise de conscience de plusieurs décennies. »

Un document qui vaut toujours le détour

Plus de vingt ans après sa diffusion, Triskell et croix gammée reste une pièce précieuse pour qui s’intéresse à l’histoire de la Bretagne durant la Seconde Guerre mondiale. Par la richesse de ses témoignages et la variété de ses analyses, il permet de mieux comprendre les ambiguïtés d’une époque, loin des simplifications hâtives.

Un documentaire à redécouvrir, à la fois comme mémoire filmée et comme jalon dans l’histoire de la recherche sur le nationalisme breton.